Depuis 1980, Foerster couvre de noir les pages de Fluide, pour notre plus grand bonheur. Il signe le Nécronomickey, recueil d'histoires fantastiques aussi sombres qu’absurdes, disponible en librairie. Nous avons pu lui poser quelques questions.
Fluide Glacial : De quelle manière l'œuvre de Lovecraft a-t-elle influencé le Nécronomickey ? As-tu relu des ouvrages en particulier pour préparer cet album ?
Foerster : J’ai découvert Lovecraft vers 15-16 ans. D’abord dans la revue Fiction, puis dans la collection Présence du futur chez Denoël. J’ai été immédiatement fasciné par ses thèmes, son écriture et la mythologie qu’il a inventée. Depuis, je le relis régulièrement et, au fil du temps, je m’en suis vraiment imprégné. Je relis régulièrement l’intégrale (collection Bouquins) dans la traduction de David Camus, qui a signé une superbe préface au Nécronomickey — l’une des plus récentes versions françaises de l’œuvre du « Maître de Providence ». Une intégrale aussi : dix ans de travail !
Il faut dire que la réception de Lovecraft a considérablement changé depuis que je l’ai découvert. À l’époque, quand je conseillais sa lecture, on me prenait pour un malade… et lui pour un dingue (ou l’inverse) ! Il était très peu lu, voire mal vu, sauf des spécialistes — en tout cas en Europe. Aujourd’hui, il est partout : il a presque rejoint la culture populaire. On trouve des allusions à lui jusque dans les dessins animés ! Il y a des mugs Cthulhu, des peluches Cthulhu, tous les éditeurs s’en emparent — même La Pléiade !... Et moi aussi, d’ailleurs. Mais pour Le Nécronomickey, les thèmes lovecraftiens m’ont surtout servi de fil rouge — un prétexte pour relier les différentes histoires de l’album. En revanche, le titre — inspiré du Nécronomicon — et le nom du narrateur, déformation de la créature Nyarlathotep dans la mythologie lovecraftienne, se sont imposés dès le départ.

Fluide Glacial : Comment prépares-tu les épisodes : d'abord un scénario, ou directement un storyboard ? Tu crayonnes avant de passer à l'encrage ?
Foerster : Je travaille de façon assez classique. D’abord, je jette mes idées en vrac sur le papier. Ensuite, je les organise et je rédige quelque chose de plus cohérent. Puis je rajoute des détails, et je finis par une version écrite complète : découpage en pages, en cases, avec tous les dialogues.
Après ça, je fais un storyboard succinct, puis le crayonné de chaque page. Et, pour finir, j’encre tout d’une traite.
Après ça, je fais un storyboard succinct, puis le crayonné de chaque page. Et, pour finir, j’encre tout d’une traite.
C’est un système auquel je me suis habitué à l’époque où je devais livrer une histoire chaque mois à Fluide. Je préférais n’avoir plus que l’encrage à faire la dernière semaine, avant la remise des planches — sans hésiter, sans tergiverser, pour ne pas me mettre en retard.
Chaque fin de mois, c’était un petit marathon !
Chaque fin de mois, c’était un petit marathon !


Fluide Glacial : Quels sont les outils que tu utilises?
Foerster : C’est assez variable. J’ai régulièrement troqué la plume pour le pinceau, et inversement. Parfois, j’encre sur un calque polymérisé — du genre de ceux qu’on utilise en sérigraphie, je crois. Ça marche très bien, surtout avec le pinceau.
J’avais découvert ce procédé lors d’une expo du regretté Plessix, à une époque où le papier Schoeller avait complètement disparu du commerce. C’était un papier que la plupart des dessinateurs utilisaient : on pouvait le gratter sans souci pour corriger un trait raté ou créer des effets — de pluie, par exemple — en blanc sur noir. Le calque permet le même genre de manipulations. J’ai réalisé pas mal de planches avec.
Aujourd’hui, je suis revenu au papier : du « simili-japon », ce qui se rapproche le plus du Schoeller. En revanche, j’utilise de moins en moins l’encre de Chine. Je travaille désormais avec des Poscas de différentes épaisseurs pour les aplats noirs, et un stylo-feutre Pentel fabriqué au Japon pour les traits. C’est comme un stylo… mais avec une pointe souple et de vraies cartouches d’encre. »
PROPOS RECUEILLIS LE 9 OCTOBRE 2025, AUTOUR D’UN FEU DE CAMP, DANS UNE FORÊT SOMBRE.




